Prévention de la désinsertion professionnelle : les entreprises témoignent

 

Françoise Fabre

Thierry ALBERT, Menuiserie Albert

J’ai repris la menuiserie de mon ancien patron en 2005. Nous étions 2 salariés à l’époque et ils sont 10 salariés aujourd’hui.

Nous fabriquons des ouvertures extérieures en bois sur mesure. Je forme des apprentis pour les embaucher ensuite.

 

Lorsqu’un de vos salariés a été victime d’un accident de trajet, qu’avez-vous fait ?

Thierry Albert, dirigeant de la menuiserie Albert : Il s’agissait d’un salarié de 25 ans qui travaillait dans l’entreprise depuis plus de 5 ans et que j’avais formé. Une proximité s’était instaurée. Nous sommes une très petite entreprise.
Un matin, il a eu un accident de trajet très grave. Il est resté presque 2 mois dans le coma et a ensuite suivi une rééducation pendant 4 ans.
Nous sommes toujours restés en contact.

Le 21/12/2021 la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie) a estimé que son état de santé était consolidé au 31/12/2021.
Mais le salarié ne pouvait pas reprendre sans aménagement de poste.

Le médecin du travail (que je remercie pour son implication) a donc demandé un report au médecin conseil de la CPAM afin que nous ayons le temps de travailler sur la question de son maintien dans l'emploi.

Le médecin du travail s’est mis en relation avec CAP emploi pour que le salarié bénéficie d’aménagement et d’aides.

Le salarié a repris à mi-temps thérapeutique.

 

Et aujourd'hui ?

Thierry Albert : Un an un demi après sa reprise, il est toujours dans l’entreprise avec un aménagement horaire et un poste adapté. Il a des séquelles importantes y compris psychologiques.

Nous avons pu le maintenir en poste grâce à l’accompagnement de la médecine du travail qui a sollicité l’intervention de CAP emploi qui a pu mobiliser des aides.

Après plusieurs essais, nous lui avons proposé un poste polyvalent avec ce qu’il peut faire : passer du bois dans les machines et poser des joints sur menuiserie.

Il bénéficie des dispositifs adaptés : l’aide à la reconnaissance de la lourdeur du handicap et la Prestation d'Appui Spécifique Troubles Cognitifs PAS TCo qui intervient auprès des personnes en situation de handicap.

Ces aides compensent son handicap et cela permet à notre salarié de continuer à travailler.

Il aurait été compliqué pour moi de ne pas pouvoir lui permettre de reprendre le travail au sein de l’entreprise…

 


 

Monsieur OMARI, Boucherie Omari

Monsieur Omari, dirigeant de la boucherie Omari : Nous sommes bouchers de père en fils. J’ai repris l’entreprise de mon père il y a 11 ans. Je suis gérant salarié et j’emploie 5 salariés dont 2 apprentis mineurs (je suis leur tuteur).

 

Vous être reconnu travailleur handicapé ?

Monsieur Omari : Oui je suis reconnu travailleur handicapé à vie.

Suite à des douleurs importantes au niveau du dos, ils ont découvert que j’avais des tumeurs sur la colonne vertébrale. J’ai dû subir des opérations très lourdes.

Depuis j’ai perdu l’usage de mon mollet et je ne peux plus porter de charges lourdes sur les épaules et le dos. Je prends des traitements pour soulager la douleur.

Je me suis dit que je n’avais d’autre choix que de vendre.
Comment continuer à travailler avec ma pathologie ? Ce métier est très physique et nécessite des efforts que je ne peux plus faire. Mais je suis passionné, je ne sais faire que ça et je crois que je le fais bien.

 

Pourtant aujourd’hui vous pouvez continuer à travailler, expliquez-nous comment ?

Monsieur Omari : Un ami m’a orienté vers le service de santé de Narbonne (SIST Narbonne).
Dans un premier temps, j’ai rencontré le médecin du travail. Ensuite, l’ergonome du service a passé une journée entière avec moi.  Il a observé en détail tout le processus de travail. Dans un second temps, le service s’est mis en relation avec CAP emploi.

Un conseiller CAP emploi est venu avec l’ergonome du service pour rechercher de solutions afin de compenser mon handicap.

Plusieurs aménagements étaient envisagés : l’installation de rail de transfert entre la chambre froide et les plans de travail du laboratoire pour éviter d’avoir à porter des carcasses de viande, un chariot de manutention spécifique et une machine-outil qui évite les postures contraignantes. Mais ces équipements sont très chers et je ne pouvais pas les financer seul…

Le SIST et CAP emploi ont monté un dossier pour me permettre de bénéficier d’aides proposées par l’AGEFIPH. J’ai ainsi obtenu une prise en charge de la moitié du coût des équipements. La banque m’a fait crédit pour l’autre moitié.

En plus j’ai pu bénéficier d’une aide humaine à raison de 20h par semaine pour 6 mois. Ce dispositif est aussi pris en charge par l’AGEFIPH

Aujourd’hui je peux continuer à travailler. Ces équipements vont profiter à l’ensemble de mon personnel. Ils améliorent la qualité du travail pour tous.