Muriel Fournier, dirigeante d'Espace Propreté : "Le premier défi, c'est l'attractivité de nos métiers."

Muriel Fournier, dirigeante d'Espace Propreté

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter votre entreprise, Espace Propreté ?

Muriel Fournier, dirigeante d’Espace Propreté : Espace Propreté est une société montpelliéraine, spécialisée dans le nettoyage de locaux professionnels depuis plus de 25 ans. Nous offrons différentes prestations à une grande variété d'entreprises : l’entretien quotidien de bureaux, le nettoyage de vitres et vitrines, mais aussi des remises en état ou l’entretien des parties communes de résidences.

Aujourd’hui, nous intervenons sur près de 150 sites, auprès d’entreprises comme Yellowscan, Atole, AQMC, VOGO, la mairie de Valergues, la Fédération Française du Bâtiment de l’Hérault, ESII ou encore des start-up locales comme Terratis ou Régenlife.

Notre équipe compte 31 salarié·es, dont 25 sont des agent·es d'entretien sur le terrain.

 

Qu’est-ce qui différencie Espace Propreté des autres entreprises du secteur ?

Très clairement, nos engagements et nos valeurs en matière de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). En effet, ce qui fait notre singularité et notre fierté, c’est notre statut de Société à Mission.

Depuis février 2022, nous avons inscrit dans nos statuts une raison d’être (une phrase qui nous singularise), ainsi que 4 objectifs portant sur l’environnement, notre relation client, la relation avec nos parties prenantes, ainsi qu’un dédié à la santé, la sécurité et le bien-être de nos salarié·es.

Être Société à Mission nous engage juridiquement, et surtout moralement, à aller plus loin que la simple prestation de nettoyage de bureaux. Nous sommes la première entreprise de nettoyage en France à avoir franchi le pas pour devenir entreprise à mission, et depuis, nous essayons de sensibiliser d’autres acteurs, du secteur ou pas, à faire de même. Notre démarche a d’ailleurs été récompensée à plusieurs reprises pour son innovation sociale et la sincérité de nos engagements.

 

Concrètement, qu’est-ce qu’être une Société à Mission change dans votre quotidien ?

Être une entreprise à mission signifie qu’on a inscrit nos engagements et objectifs pour le développement durable au même niveau que nos objectifs économiques. C’est une manière de concilier performance économique et impact positif. Une Société à Mission s’engage sur des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux qui sont contrôlés par un OTI (organisme tiers indépendant), et qui sont suivis tout au long de l’année par un comité de mission. Les rapports de mission et le rapport d’audit sont déposés avec nos comptes auprès du tribunal de commerce et ils sont aussi consultables sur notre site internet.

Chez Espace Propreté, cela signifie par exemple que nous plaçons l’humain – collaborateur·rices comme client·es – au cœur de notre stratégie. Nos agent·es exercent un métier essentiel mais physiquement exigeant et exposé à des risques. Notre mission est donc de veiller à leur santé, à leur sécurité et à leur évolution professionnelle. Cet engagement me tient particulièrement à cœur.

Dans le secteur du nettoyage, les risques sont nombreux : troubles musculosquelettiques liés aux gestes répétitifs et aux postures contraignantes, ports de charges, exposition à des produits d’entretien parfois nocifs ou allergisants… Il faut aussi tenir compte de la pénibilité horaire, avec des missions tôt le matin ou tard le soir et des modes de déplacements contraignants (plus de 50% de nos agent·es n’ont pas le permis de conduire).

 

Comment agissez-vous pour prévenir ces risques ?

Nous faisons de la prévention un axe central de notre stratégie RSE et de notre mission. Cela passe par des évaluations régulières des risques en s’appuyant sur notre DUERP (Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels), des formations continues aux bons gestes et postures, une sensibilisation à l’utilisation sécurisée des produits et un suivi rapproché grâce à l’encadrement de proximité. Nous intégrons aussi la santé mentale à nos priorités : fin 2024, nous avons formé trois secouristes en santé mentale dans l’équipe de direction.

Nous travaillons en lien avec le CSE pour avoir un retour concret du terrain et améliorer nos pratiques en continu. Nous portons notamment une attention particulière à la santé des femmes, dont l’ancienneté et la moyenne d’âge sont plus élevées que celles des hommes dans notre équipe.

 

Vous avez évoqué la santé au travail des femmes et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Pourquoi est-ce un sujet qui vous tient particulièrement à cœur ?

Mon parcours personnel m’a sensibilisée à ces enjeux. Avant de reprendre Espace Propreté, j’ai travaillé dans l’industrie, un environnement très majoritairement masculin. Très jeune, j’ai dû manager des hommes plus âgés et j’ai ressenti à quel point une femme pouvait être perçue comme moins légitime dans un poste d’encadrement technique.

J’ai aussi constaté combien certains sujets liés à la santé des femmes – règles douloureuses, ménopause, santé intime – étaient trop souvent passés sous silence (par les femmes elles-mêmes d’ailleurs).

Dans le secteur de la propreté, persistent encore des clichés et du sexisme ordinaire. On entend souvent que « les femmes nettoient mieux » ou que « c’est une femme de ménage » qui intervient.

En mesurant d’ailleurs les chiffres de l’égalité professionnelle au sein d’Espace Propreté depuis janvier 2025, nous avons fait quelques constats intéressants qui nous amènent à faire évoluer nos pratiques.

 

Comme quoi, par exemple ?

Nous avons observé une parité femmes-hommes presque parfaite dans l’entreprise, avec des postes d’encadrement occupés uniquement par des femmes. Cependant, proportionnellement, les hommes perçoivent une rémunération supérieure. En creusant, nous avons constaté que les hommes effectuent davantage d’heures supplémentaires, rémunérées avec une majoration de 28 %. 

Toute l’équipe administrative s’est alors mobilisée pour apporter des explications et mettre en place des solutions.

 

Qu’avez-vous mis en place concrètement dans l’entreprise à ce sujet ?

Pour corriger cela, nous proposons désormais les heures supplémentaires en priorité aux femmes, et nous encourageons leur montée en compétences sur des prestations dites « spéciales », comme le nettoyage de vitres, souvent associé à tort aux hommes.

Nous accompagnons aussi nos collaborateur·rices dans la prise de rendez-vous médicaux, en partenariat avec la médecine du travail EnSanté, et nous relayons les campagnes de prévention (par exemple, dépistage du cancer du sein). Enfin, nous sensibilisons régulièrement nos équipes au harcèlement moral et sexuel, afin de les outiller pour réagir et dénoncer ces situations.

 

Quels bénéfices tirez-vous de ces engagements, pour l’entreprise comme pour vos salarié·es ?

Ces actions créent un climat de confiance. Les agent·es sentent que leur santé et leur bien-être sont réellement pris en compte. Cela renforce leur implication et leur fidélité. Et côté clients, c’est aussi un gage de sérieux et de qualité.

 

Quels sont, selon vous, les principaux défis à venir pour votre secteur ?

Le premier défi, c’est l’attractivité de nos métiers. Le secteur de la propreté souffre de préjugés et de méconnaissance alors que ce sont des métiers piliers, essentiels pour notre société et qui méritent d’être valorisés.

Le second défi, c’est l’équilibre entre croissance économique et engagements RSE. Les entreprises clientes attendent un service de qualité à un coût maitrisé, mais nous devons aussi rester exemplaires dans nos pratiques sociales et environnementales même si elles génèrent des coûts supplémentaires.

 

Et demain, quels sont vos projets pour Espace Propreté ?

Notre priorité est de poursuivre notre développement sur Montpellier et sa périphérie, tout en consolidant notre modèle économique. Mais toujours avec cette même exigence : rester une entreprise à taille humaine, où l’humain et la qualité des prestations priment.

 

Pour conclure, si vous deviez faire passer un message en quelques mots ?

Je dirais : nous voulons émanciper les femmes à travers le travail, donner à chacune des conditions dignes, et prouver qu’une entreprise de propreté peut être un acteur engagé et responsable. Notre ambition ultime, c’est de faire évoluer les paradigmes sur les métiers de la propreté.


 Interview réalisée par Despoina Gkasiou pour PRST Tour – Montpellier, le 07 octobre 2025